Témoignages de chocolatiers sur l’ouverture de leur établissement
Vous l’aurez compris : ouvrir sa chocolaterie ne se fait pas en un claquement de doigts. Mais qu’en pensent précisément les chocolatiers ? Nous les avons interrogés pour vous. Voici leurs témoignages et leurs pistes de réflexion.
Un métier peu protégé
Au-delà de ces nombreuses étapes qui peuvent être interprétées comme des lourdeurs administratives, de nombreux professionnels du secteur regrettent également le manque de soutien de la part du monde politique et l'excès de taxation. Ils sont ainsi nombreux à pointer du doigt le manque de protection des chocolatiers et à souhaiter un changement de statut de l’artisan.
En effet, pour certains, comme Laurent Gerbaud, les chocolatiers devraient même avoir un statut d’attraction touristique avec les avantages fiscaux qui en découlent.
Il faut que le pouvoir public considère les chocolatiers, tout comme d’autres types de commerces, comme ayant un statut d’attraction touristique. Des avantages fiscaux devraient en découler, Laurent Gerbaud.
Des charges pesantes
Par ailleurs, les charges sont trop lourdes et difficilement assumables pour des petites structures qui ne comptent que quelques employés. Les exigences de l’Afsca sont d’ailleurs régulièrement pointées du doigt, notamment qu’elles soient liées à l’administratif ou à la traçabilité par exemple.
“Pour l’Afsca, tout doit être étiqueté, en français et en flamand à Bruxelles. C’est compliqué pour un artisan d’autant plus quand on doit faire tout le travail seul pour plus de 130 références”, Antoine Corné.
Notons néanmoins que l’Afsca a récemment mis en place des assouplissements sur le plan du contrôle et de la traçabilité pour certains types d’établissements qui disposent de moyens insuffisants pour la réalisation d’une analyse de dangers. Plus d’informations sur la page des assouplissements du site de l’Afsca.
Créer un label pour valoriser le chocolat?
La Belgique est connue mondialement pour son savoir-faire, son chocolat et ses pralines. Mais il reste cependant très difficile d’évaluer la qualité globale du produit.
“Parce qu’il y a chocolat et chocolat. Autour de la Grand-Place à Bruxelles, par exemple, certains magasins pour touristes vendent du chocolat bas de gamme. Cela ne fait pas vraiment une bonne publicité à l’étranger. La mention ‘chocolat belge’ est employée à des fins marketing, expliquait” Jean-Philippe Darcis en 2014 dans un article de l’Avenir1.
De nombreux chocolatiers regrettent en effet le manque de réglementation de la part des pouvoirs publics, mais aussi l’absence d’un label valorisant chocolat belge. Pourtant, la Belgique a bien essayé de lancer son label en 2000.
L’État belge a créé la marque Ambao en réponse à une directive européenne autorisant les producteurs à utiliser une autre graisse végétale que le beurre de cacao. Cela afin de sauvegarder le chocolat 100% cacao.
Néanmoins, ce label a fait long feu, puisque si les chocolatiers respectaient la réglementation pour la couverture de la praline, ce n’était pas toujours le cas pour le fourrage.
Conscients des atouts d’un label, les chocolatiers divergent néanmoins sur la façon de l’implémenter. Voici quelques pistes évoquées par certains d’entre eux :
- Appellation ‘fait en Belgique’ et pas seulement ‘emballé’ en Belgique
- Étendre le label non seulement au produit mais aussi au service proposé ou à l’hygiène
- Un label qui fait la différence entre artisans et industriels
- Un label qui soit donné par les fournisseurs eux-mêmes (ce sont eux qui ont une juste idée de ce que les commerçants produisent)
Pour certains, il est également important de transmettre plus d’informations au clients pour qu’il se rendre compte de la qualité du produit et de l’impact que cela peut avoir sur l’environnement. Tandis que d’autres souhaitent davantage de soutien des pouvoirs publics. « C’est à eux de jouer un rôle d’informateur auprès du consommateur », explique Bjorn Becker.
Johan Domas-Conzemius et Frédéric Blondeel font quant à eux références à des moyens d’informations comme le guide Gault & Millau2 ou encore l’EPV3 en France comme source d’inspiration pour un futur label.
On pourra néanmoins mentionner l’existence d’une reconnaissance légale de l’artisan, décernée par la Commission Artisans du SPF Economie. Cette reconnaissance met en valeur le caractère authentique de l’activité, l’aspect manuel du travail ainsi que le savoir-faire.
Afin de pouvoir postuler à cette récompense, les artisans doivent être inscrits à la Banque-Carrefour des Entreprises, avoir moins de 20 travailleurs, être liés à une activité qui consiste en la production, la transformation, ou la restauration d’objets ou encore la prestation de services.
Lors de la sélection, la Commission tient compte des aspects essentiellement manuels et authentiques de l’activité et le savoir-faire axé sur la qualité, la tradition et la création.
Un logo attestant de la reconnaissance est par la suite octroyé pour une période de six ans. Si pour certains, comme Philippe Lafont, ce label semble être celui le plus fiable et être « le seul à présenter un intérêt », il ne fait pas l’unanimité. En effet, pour Pierre Marcolini, ce label est une ineptie puisque des chocolatiers bean-to-bar ayant plus de 20 employés ne peuvent prétendre à ce label tandis que d’autres structures plus modestes, mais ne fabriquant pas elles-mêmes leur chocolat, sont à même d’être récompensées.
Par conséquent, Pierre Marcolini suggère notamment de créer un label bean-to-bar, basé non pas sur la taille de l’entreprise, mais sur le pourcentage effectif de bean-to-bar proposé par l’artisan, ainsi que sur une charte de valeurs.
(1) Verbiest, A. (2014, 19 avril). Le chocolat belge n’a pas de label: «Le chocolat bas de gamme à la Grand-Place, une mauvaise pub». L’Avenir. Consulté sur : https://www.lavenir.net/cnt/dmf20140418_00465235
(2) Le guide gastronomique français a lancé en 2015 un guide 100% consacré au chocolat et à la pâtisserie. Ce guide tend à mettre en avant les nombreux artisans qui évoluent dans ces domaines ainsi que les plus talentueux.ses de notre pays.
(3) Entreprise du patrimoine vivant qui est un label officiel français délivré sous l'autorité du ministère de l'Économie et des Finances. Il distingue des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d'excellence.